Pantin 23 juin 1937.
Chère Madame et Amie

Je vous dois de grandes excuses pour mon retard à répondre à votre charmante lettre. Soyez assurée cependant que tous les détails vous concernant et la vie de vos charmants Bambins ne me laisse pas indifférente bien au contraire et le hasard ayant permis que je me sois trouvé photographiée il y a 2 à 3 mois avec ma fille et ayant pu me la procurer bien que pas très nette, je me fais un plaisir de vous la faire parvenir afin que vos chéris puissent connaître une grand'maman en papier faute de mieux. J'y ajoute à votre attention chère Amie une photo de ma fille prise à Lourdes les premiers jours d'avril lorsque j'ai reçu vos chères nouvelles. Elle y était précisément avec le groupe des Bernadettes de la région Parisienne. Elles y étaient 800 environs, j'ai fait une petite croix pour que vous puissiez la reconnaître une petite compagne étant près d'elle.
J'ai beaucoup pensé à votre cher petit Jean-Joseph dans les jours de sa première rencontre avec Jésus et j'ai prié pour lui. Cela me rapportait à l'époque où jeune maman j'ai préparé aussi deux petits coeurs à le recevoir ce cher Jésus, ma fille à 6 ans ½ et mon fils Marcel à 7 ans, l'âge de votre Jean-Joseph. Comme le temps passe et malgré tous les soucis et les fatigues que ces diablotins nous causent, ne semblent rien plus tard à coté des responsabilités que l'on assume lorsqu'ils grandissent, heureusement comme vous le dites nous avons le Bon Dieu qui aide aux moments les plus difficiles. Mais j'en avais deux seulement et chez vous il y en a 5, je demande souvent à Notre Dame des Trois A. M. puisque c'est grâce à Elle que nous avons eu le plaisir d'échanger une correspondance de vous garder tous en bonne santé. Vous avez eu la gentillesse de me donner votre âge et celui de votre mari. Comme chez vous, mon mari et moi nous nous suivons de près. Mon mari a eu 53 ans le 31 janvier et moi 52 ans le 9 du même mois. Ma fille Yvonne aura 26 ans le 2 déc. 1937. Mon fils Marcel a eu 24 ans le 9 mai dernier. En ce moment, je fais les démarches nécessaires pour le mariage de mon fils, mais Yvonne ne veut pas entendre parler de mariage, elle a d'autres idées, ce sera ce que le Bon Dieu voudra, nous ne sommes pas pour imposer notre volonté dans certains cas, mais bien pour respecter la sienne, la mauvaise santé aurait pu être un empêchement mais depuis janvier ça va très bien, comme il y a des années que cela n'avait pas été, elle a repris un travail normal depuis le 18 mai, dactylo-mécanographe. Quant à ma santé, en ce moment ça va assez bien mais elle se détraque assez facilement et bien que je ne maigrisse pas, je suis toujours un régime sévère: pas de pain, pas de viande et le reste en petite quantité; à mon âge on doit savoir se suffire avec peu. Comme vous, nous ne sommes pas bien riches, mon mari vient d'obtenir une petite amélioration, mais ne croyez vous pas que du moment que l'on peut réussir c'est le meilleur moyen pour connaître le vrai bonheur. En ce moment, la classe ouvrière connait en France pour les jeunes trop de bien-être, elle ne l'apprécie pas et cela fait faire bien des sottises et aussi perdre la foi qui cependant à mon avis est un don plus précieux que beaucoup des richesses et elle donne le vrai bonheur, car elle fait éviter l'égoïsme. Je remercie Dieu et notre Bonne Mère de ce qu'ils ont fait pour nous, ma fille a compris où était la paix de l'âme et du coeur, elle est très pieuse, quant à mon fils bien que le modernisme a déteint un peu sur lui, la politique ne le tient pas trop et il reste un bon enfant qui aime toujours sa maman et se montre toujours aimable et respectueux envers son Père. Le travail le tient éloigné de nous mais chaque semaine nous le voyons et bien des dimanches sont passés près de nous.

Je fais parvenir à mon petit ami Jean-Joseph une image et une médaille bénite à Lourdes en souvenir de ce beau jour et en réserve d'autres médailles pour chacun des petits frères et la petite soeur. Elles iront successivement à leurs petits propriétaires. J'y ajoute une autre belle figure du Petit Jésus qui aime tant les petits Enfants. Je vous envoie chère Amie, les amitiés de mon mari et de mes enfants pour vous et votre mari, en y ajoutant mes meilleurs sentiments d'affectueuse sympathie et de gros baisers pour vos chers Bambins.

G. Lépime

( Je crois vous avoir fait un vrai journal ) ...et envoi ce jour 4 bulletins des Trois A. M.